jeudi 26 avril 2012

E. BARATAY le 5 mai 2012


La prochaine séance du groupe de travail sur les animaux des Archives Husserl se déroulera

le samedi 5 mai, de 14h à 16h00


à l'Ecole Normale Supérieure, 45 rue d'Ulmsalle Celan.





Nous aurons le plaisir d'accueillir Eric Baratay, historien, pour parler de son dernier ouvrage, paru au Seuil :

Le Point de vue animal. Une autre version de l'histoire

     L’histoire, celle bâtie par les sociétés humaines, est toujours racontée comme une aventure qui ne concerne que l’homme. Pourtant, les animaux ont participé et participent encore abon- damment à de grands événements ou à de lents phénomènes de civilisation, qu’ils soient chevaux et chiens de guerre, équidés voués à servir dans les transports, bétail attaché à la production, animaux de compagnie, faire-valoir dans les loisirs, du cheval de course au taureau de corrida, etc.
     Leurs manières de vivre, de sentir, de réagir à cette histoire sont quelquefois effleurées, jamais étudiées comme telles. Même la récente histoire des animaux, que les historiens édifient depuis plus de vingt ans, se focalise sur les représentations, les dires, les gestes des hommes sur les bêtes, leurs répercus- sions sociales, mais guère sur les vécus animaux: elle édifie ainsi une histoire humaine des animaux, non une histoire animale. Comme s’il n’y avait d’histoire intéressante que celle de l’homme, c’est-à-dire de soi. Comme s’il existait en nous une difficulté à s’intéresser au vécu d’êtres vivants qu’on met à contribution, mais qu’on traite en objets ou en scories de l’histoire sans plus s’en soucier.
     Or le versant animal de l’histoire est lui aussi épique, contrasté, tourmenté, souvent violent, parfois apaisé, quelquefois comique. Il est fait de chair et de sang, de sensations et d’émotions, de peur, de douleur et de plaisir, de violences subies et de connivences. Il rejaillit directement sur les hommes, au point de structurer de plus en plus l’histoire humaine. Ainsi, loin de s’avérer anecdotique et secondaire; il mérite amplement l’attention des historiens soucieux d’une histoire multiple.
     Il faut donc arracher l’histoire à une vision anthropocentrée, regarder ces comparses de l’homme, ces autres vivants que sont les bêtes, passer de leur côté, regarder de leur point de vue en retournant les interrogations, en cherchant des docu- ments plus prolixes ou en lisant les autres autrement, en décen- trant le récit. On pourra alors montrer comment les bêtes ont vécu et ressenti les phénomènes historiques dans lesquels elles ont été entraînées, comment elles ont réagi et même forcé les hommes à changer d’attitude. Évoquer cet autre versant de l’histoire sert à réévaluer un véritable acteur, souvent majeur, trop longtemps occulté, à comprendre du coup nombre d’attitudes humaines (protestations, conflits, adaptations...) qu’on ne perçoit ou qu’on n’analyse pas correctement sans cela, à répondre enfin à une demande croissante du public qui, des journalistes aux auditeurs en passant par les lecteurs ou les assistants aux conférences, soulève maintenant sans cesse la question de l’expérience vécue des bêtes. Et il revient aux historiens de leur répondre.