le samedi 31 mars, de 14h à 16h30
à l'Ecole Normale Supérieure, 45 rue d'Ulm, salle Pasteur.
Nous aurons le plaisir d'accueillir Charles Stepanoff, anthropologue, et Valérie Glansdorff, philosophe, pour un exposé sur :
Une communauté
mobile hommes-rennes, les Tozhu : mise en perspective d’une expérience de la
relation
En Sibérie méridionale, le passage de
l’élevage naturel des rennes à un modèle d’élevage culturel et industrialisé a
provoqué des bouleversements significatifs dans l’équilibre précaire entre les
animaux, les hommes et leur environnement. La réponse la plus efficace aux
divers dangers (loups, épidémies…) menaçant constamment les rennes a consisté à
faire reposer la gestion des troupeaux non seulement sur la connaissance du
comportement des bêtes, mais aussi sur la sollicitation de leur intelligence et
de leur mémoire, leur accordant une grande autonomie.
Ainsi peut-on parler de
véritable cognition partagée entre les animaux et leurs éleveurs. Il s’agira
alors de se demander ce qui justifie une telle distribution des compétences.
N’est-il pas illusoire de voir une responsabilité partagée dans un modèle de
rapport qui n’est peut-être qu’une exploitation unilatérale des instincts du
renne par l’homme ?
L’enjeu ne sera pas de déterminer quel
peut bien être le degré de conscience d’un renne, ni s’il est possible et
souhaitable de penser comme lui pour
le comprendre mieux. L’on préférera s’interroger sur ce qui a mis en demeure
les éleveurs Tozhu de collaborer avec leurs
animaux et comment ils ont répondu aux circonstances problématiques de manière
à les « faire exister » comme agents autonomes et non comme
objets d’une rationalisation accrue. En effet, si le point de vue actif des
animaux se dessinait déjà virtuellement avant le retour à l’élevage primitif,
il demandait néanmoins à être instauré.
C’est autour de ce concept d’instauration tel que l’a élaboré le philosophe
Etienne Souriau que se prolongera la discussion. Dans ce que Souriau appelle
une situation questionnante, il s’agit d’instaurer un point de vue – ou un mode
d’existence – qui ne témoigne du problème et ne se constitue pour ce qu’il est
que dans la relation qu’il soutient avec le reste. L’on s’interrogera alors sur
la possibilité d’un point de vue animal qui ne soit pas seulement déterminé par
une série de fonctions faisant sens, comme on peut le trouver chez Uexküll,
mais qui soit également ce qui crée une consistance commune entre différents
êtres au sein d’une relation architectonique.